dimanche 23 décembre 2012



















Ile et pont San Bartolomeo
Aquarelle sur papier Moulin du coq-Rouge - 32x24cm / 30x22cm -Décembre 2012
D'après Corot (Corot en Italie) 
Ile et pont San Bartoloméo, 1826-1828
Huile sur papier marouflé sur toile, 27x43cm

A propos de cette œuvre de Corot
Dans COROT EN ITALIE, la peinture de plein air et la tradition classique.
Peter Galassi / Gallimard / 1991

   […] Il n'y a rien d'extraordinaire non plus dans le fait de commencer une étude à l'huile par une esquisse rudimentaire au crayon. C'est la façon dont Corot applique les vieux procédés qui est fondamentalement nouvelle. Pour lui, le dessin initial n'est pas un simple expédient, ni une béquille ou un point de départ. C'est désormais une composante active de son œuvre.

   Le dessin préparatoire a deux utilités. D'abord il permet à Corot d'élaborer une composition parfaitement déterminée où chaque élément remplit une fonction précise au sein de l'ensemble. Voilà pourquoi ces petits formats ont une échelle d'œuvres monumentales. C'est l'organisation des formes selon une hiérarchie logique, de la plus petite à la plus grande, qui fait que les études de Corot s'affirment avec la même autorité que des tableaux aux proportions imposantes. Ensuite le tracé préalable libère Corot de l'obligation de dessiner au pinceau. Quand il applique la couleur en suivant les contours, les traits de crayon disparaissent. Il obtient alors une mosaÏque compacte de couleurs matérialisées chacune par une seule et même touche ou accumulation de touches de pinceau. Là, le petit format lui aussi joue un rôle capital : c'est à cette condition que le système de modules colorés peut servir de truchement entre la main et la surface entière du tableau avec une telle efficacité.
   D'excellents exemples du style de maturité de Corot sont fournis par deux de ses vues les plus célèbres, celle de la basilique St-Pierre et du château St-Ange observés de l'autre rive du Tibre et celle de l'île du Tibre. […]
   La vue de l'île du Tibre propose une variation sur le même thème. La symétrie stable qui gouverne l'ensemble sous-tend une structure hiérarchique qui va des grandes formes espacées de la périphérie aux petites formes serrées de l'ensemble. Le pont de gauche répond à celui de droite, que partagent en deux le jeu d'ombre et de lumière ainsi que les verticales tracées énergiquement par les maisons visibles à travers l'arche. Ces accents verticaux sont un modèle de progression harmonique, que Corot transmue au centre en foisonnement harmonique. L'assemblage dense d'éléments plastiques y regorge de correspondances subtiles, en dehors de toute répétition mécanique. Les modules géométriques semblent présenter une diversité infinie, alors qu'en réalité ils restent tous dans les limites d'un éventail restreint de formes et de dimensions. Il en va de même pour le coloris. A part le bleu du ciel et de l'eau, la palette se cantonne dans un registre étroit  de bruns et d'ocres à quoi s'ajoute une seule nuance de vert.
C'est justement ce vocabulaire limité qui autorise une telle clarté de l'expression. Avec sa hiérarchie géométrique et son harmonie de couleurs, l'image est une marqueterie de gradations, dont chacune a été impeccablement calculée par rapport à ses voisines et par rapport à l'ensemble. Le choix limité simplifie ces calculs et garantit une précision indispensable. Ce n'est pas la véracité des éléments distincts qui confère son aspect authentique à l'image, mais leur coordination parfaite. A isoler n'importe quelle petite portion de l'assemblage constituant l'île, on mesure la maigreur des renseignements concrets qu'il peut apporter.
   Avec cette étude, Corot innove hardiment dans la représentation de la lumière et de l'espace. Il n'y a pas de ton local. L'éclairage ne peut se dissocier des choses qu'il rend visibles : ils se donnent à percevoir comme une seule et même sensation visuelle. Le modelé conventionnel a disparu, de même que les indications de perspective linéaire. C'est à peine si une oblique s'enfonce dans le tableau. Le regard estime au jugé l'avancé et le recul des architectures, tout comme il jauge l'homogénéité de la lumière d'après les interrelations des parties distinctes au sein de l'ensemble bien soudé. De manière plus évidente peut-être que dans n'importe quelle étude, la couleur seule engendre ici la lumière et l'espace. C'est sous ce rapport avant tout que le style italien de Corot s'insère dans la généalogie de la peinture moderne. […]

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